Il y a un an, j'avais décidé de relancer les Fées du Marais à coup d'interviews (qu'on appelera "Wikipedrag", merci Reine Mayr pour le nom). plot twist (non) ça ne s'est pas fait. En parallèle, Flambloyantes un très bon podcast (j'y reviendrai) venait de commencer avec celles.eux de ma génération. J'avais décidé plutôt de m'intéresser à une génération émergente de performeurs drags, par aussi curiosité personnelle. Il y a casiment un an entre l'itw originel et la version présentée ici, ce qui est aussi intrigant.
J'ai donné rendez-vous à un.e pote.sse du doux nom de Crucifist afin de me raconter un peu son drag. Nous sommes au Ze Nice show d'Aliyah Xpress et Babouchka Babouche, installés dans les canapés usés pendant que les performeurs enfilent leurs habits de lumière et que le public arrive.
Enza Fragola - "Alors pourquoi donc ce drag name de Crucifist ?
Crucifist - Quand j'ai commencé le drag, je faisais surtout des looks de nonnes, donc je cherchais un nom en rapport avec la religion et en même temps un peu décalé. Une copine a spontanément trouvé Crucifist et je l'ai gardé, donc merci Lucie ! Cependant, je me fais plus souvent appeler Cruci que Crucifist, c'est plus facile à prononcer.
EF - Pourquoi as-tu choisi la direction de l'ordre clérical ?
Crucifist - J'ai débuté le drag quand je vivais en Espagne, et j'ai été trés marqué par le catholicisme espagnol très austère. Et puis le Christianisme m'a fait souffrir dans mon histoire personnelle, donc ça me faisait plaisir de tourner en dérision les conservateurs et fanatiques.
EF - Comment en 3 hashtags pourrais-tu décrire ton drag ?
Crucifist
- #FachoNista : parce le personnage de Crucifist est un peu facho,
- #CathoCheap et #Débile car en fait le concept du personnage est assez basique mais j'essais de le pousser à l'extrême. Se moquer de la religion catholique quand on est queer, c'est finalement assez comun et n'a pas grand chose d'original... Mais ça fait toujours plaisir.
Ensuite je fais bien la part des choses entre Crucifist, et moi. Ce ne sont pas du tout les même personnes. Je fais une distinction nette.
EF - On fait parfois le lien entre le drag et le clown, en posant le hashtag #Débile, ça me souligne ce trait.
Crucifist - En effet, parfois il y a un aspect clown. J'aime bien faire rire les gens.
EF - Comment as-tu eu envie de te mettre au drag ?
Crucifist - Ça faisait longtemps que ça m'intéressait. Je trouvais ça fun de me pimper en soirée, de créer un personnage. Tout cet aspect esthétique, ça m'amusait.
Maintenant, j'ai d'autres motivations, plus politiques. J'ai intellectualisé ma démarche mais à l'origine c'est pour le fun.
Je pense que c'est l'une des meilleures façons d'y venir : Si au départ on ne s'amuse pas en faisant du drag, quel intérêt ?
EF - Alors quels sont tes engagements, tes revendications particulières ?
Crucifist - Alors je suis loin d'être la plus politique des drags parisiennes - je veux dire, il y a des personnes qui le sont bien plus que moi, et qui le font bien mieux, à commencer ici au Nice Show. Cependant j'essais de faire passer des messages, en général très ironiques, ou je tourne en ridicule des concepts. Par exemple au premier Nice Show, j'avais fait une performance sur l'absurdité du "racisme anti-blanc". Ou ma première perf était à propos des gens qui se réservent long temps avant le mariage.
EF - Oui, j'étais là c'était à l'Extravag'Enza Dalidead ! Première Perf ?
Crucifist - Oui première perf en public ...enfin ...après j'avais déjà fait quelques perf. Ma première vraie fois, c'était à la mutinerie mais j'étais pas en drag, c'était ma coloc qui m'avait maquillé.
EF - Oui, il y a une photo sur ton instagram (
ici). C'est étonnant, donc tu as été directement attiré par l'aspect performatif.
Crucifist - J'ai l'impression -mais je peux me tromper- que beaucoup de drags ont commencé d'abord en sortant en soirée, avant de performer alors que j'ai fait l'inverse. Au début, à chaque fois que je me mettais en drag c'était pour performer. C'est ce que j'aime par dessus tout et c'est ça qui m'a amené au drag, vraiment. C'est probablement parce qu'avant j'ai fait du théâtre. Pendant mes études, j'ai fait pas mal d'éloquence et de discours en public... Le drag était une nouvelle façon d'aborder la scène.
EF - As-tu des références, des personnes qui t'ont influencé des modèles ?
Crucifist - J'ai bien des inspirations mais elles ne sont pas forcément liées au drag comme Christine Boutin, Bernadette Chirac mais surtout le catholicisme baroque.
J'aime tout particulièrement les grosses églises très chargées qui dégoulinent de dorures. Je trouve ça écrasant de ridicule et d'excès. Quand quelque chose qui se veut spirituel mais qui est perclus dans le matérialisme, c'est assez drôle. J'aime beaucoup les images saintes, les visages torturées, les statues gothiques, les reliques exposées au public... Ces inspirations ne sont pas toujours perceptibles dans mon "produit fini", que ce soit en look ou en perf, mais elles sont toujours là dans un coin de ma tête.
EF - J'insiste, peux-tu me citer 3 noms de drags ? names, names ,names !
Crucifist - Je vais en citer quelques unes, bien que beaucoup m'inspirent. Il y a
Babouchka Babouche, en fait, on se connait depuis longtemps, je connais la personne derrière le maquillage et c'est probablement celle qui me fait le plus rire, en plus d'être très pertinente.
Minima Gesté m'inspire dans le sens où elle s'engage, elle prend de plus en plus la parole dans les médias et la sphère publique, sans pour autant faire sa pub dessus. Il y a une fore d'humilité chez Minima qui est impressionnante, qui n'hésite pas à donnes une chance à des drag plus débutantes aussi.
Je dis pas ça pour te flatter mais Enza Fragola m'inspire pas mal dans le sens où tu as fait énormément de choses pour la communauté drag, qui clairement n'aurait pas le même visage sans toi, à commencer grâce à tes scènes ouvertes.
EF - Merci, je prends le compliment mais mon nom ne compte pas (même si je l'écris) ahahah...
Crucifist - Dans ce cas, je vais citer
Reine Mayr ! J'ai l'impression qu'on est assez proche niveau esthétique et humour, c'est stimulant de voir ce qu'elle fait.
EF - As-tu une anecdote, une perf, une soirée, qui t'as marqué, dont t'es fier ?
Crucifist - C'était à la pimp my queer à la folie j'ai fait Florence and the machine. Mais ?! on y était ensemble d'ailleurs... j'ai fait Spectrum, ça fait partie des fois où je me suis le plus amusé. Je partais du haut de l'escalier et les gens étaient fous, hurlaient et tout...
EF - Ah oui ma théorie est vérifiée : une perf sur du Florence and the machine fait toujours hurler les gens. Et ça booste le publique et soi-même.
Crucifist - Sinon je suis très fier de ma perf sur Notre Dame de Paris, que j'ai faite 2 jours après l'incendie, alors que les cendres étaient encore chaudes. C'était en réaction directe à l'actualité, j'ai réalisé le montage en 2-3h et c'est une de mes perfs les plus réussies.
Après il y a beaucoup de moment dont je suis fier car le drag m'apporte beaucoup, ça va être difficile d'en isoler un ou deux !
EF - C'est un bon mot pour clore cet interview.
Merci Crucifist.
De l'autre côté du canapé, Babouchka nous fait signe pour l'aider avant que le show ne commence.
Retrouvez Crucifist en hôtesse du Karao-Pouf de la PowerPouf du 29 Février Spéciale Emo.
Photo 1 par Jean Ranobrac
Photo 2 par Maxanax
Photo 3 par @salomeoya